Les adultes peuvent susciter la participation des jeunes qui semblent désintéressés en se renseignant sur les raisons de leur indifférence. Je pense que c’est par là qu’il faut commencer. Il doit y avoir une raison, et il est important que quelqu’un écoute et comprenne pourquoi elles et ils semblent à ce point désintéressés.
De nos jours, on accorde une grande valeur à l’engagement, au leadership et à la participation des jeunes dans le domaine de l’éducation. Ces termes font référence à des activités et des processus favorisant l’autonomisation à divers degrés. Les initiatives qui sont censées appuyer l’autonomisation peuvent dissimuler des pièges qui en réalité créent des embûches à l’autonomisation comme le favoritisme, le leadership élitiste et la représentation symbolique.
Qu’est-ce que la représentation symbolique? Par représentation symbolique, on entend une situation où une personne – le cas échéant une jeune personne – est choisie par une personne adulte pour représenter tous les membres de son groupe en ne lui accordant que très peu de choix ou d’influence sur le processus. Dans une école, ce genre de situation est problématique lorsque nous présumons qu’une seule jeune personne peut se prononcer au nom de tous les jeunes et représenter tous leurs besoins et points de vue.
De nombreuses populations marginalisées tombent souvent dans le piège de la représentation symbolique. Par exemple, on demande parfois aux élèves ou aux adultes des collectivités des Premières nations de représenter leur propre collectivité, et les collectivités métisses et inuites. Et pourtant, ces trois groupes culturels très larges ne représentent qu’une infime partie de la grande diversité des peuples autochtones. En tenant compte de la très grande diversité de notre population étudiante, il est difficile d’assurer la représentation réelle des élèves à moins d’avoir recours à une vaste consultation.
En outre, lorsque les adultes choisissent systématiquement certains élèves pour jouer un rôle de leaders, peut-être à cause de leur personnalité ou de leur statut social, on enlève aux autres la chance d’acquérir des compétences. On renforce ainsi certaines vues étroites du leadership et les élèves n’apprennent pas à valoriser les différences, y compris les différents styles de leadership. Nous consolidons aussi du même coup le statut social d’un groupe d’élèves élitistes.
La discussion et le dialogue – c’est-à-dire une consultation réelle et sérieuse – deviennent alors les éléments clés des pratiques fondées sur l’autonomisation, quoiqu’elles comportent également des pièges. Il peut être très déconcertant pour les jeunes de remarquer que l’on s’adresse toujours aux mêmes élèves ou que l’on s’adresse à l’ensemble des élèves, mais que nous ne donnons pas suite à leurs revendications. Cette pratique peut engendrer un cynisme et une méfiance chez les jeunes. Et c’est particulièrement vrai lorsque les adultes agissent de cette manière parce que les résultats ne répondent pas à leurs attentes ni à leurs besoins.
Le modèle de l’échelle de participation des jeunes (Ladder of Youth Participation) de Roger Hart, publié pour la première fois en 1992 dans un article intitulé Children’s Participation : From Tokenism to Citizenship (p. 8) est un modèle révolutionnaire. La version révisée a été créée en 2011 par Adam Fletcher (publiée dans The Practice of Youth Engagement, 2014) et traduite librement et reproduite ci-dessous avec l’autorisation de l’auteur.
L’échelle comporte huit niveaux ou types de participation, montrant comment les adultes peuvent maintenir leur pouvoir tout en faisant participer les jeunes. Fletcher, et Hart avant lui, ont démontré que par divers moyens allant du plus subtil au plus flagrant, les adultes ont tendance à conserver le contrôle lorsqu’ils font participer les jeunes. Le modèle renforce l’idée que si nous voulons partager notre pouvoir de bonne foi et créer des milieux dans lesquels les jeunes peuvent réaliser leur potentiel, nous devons nous interroger sur l’objectif et sur l’approche de participation adoptée.