Parfois, l’expérimentation proposée par les élèves ne fonctionne pas, et c’est un petit peu inquiétant au début. « Nous avons pensé à faire cette expérience. Qu’allons-nous faire si ça ne marche pas? » À quoi je leur demande, « Bon, qu’est-ce qui arrive si ça ne marche pas? » Eux-autres me répondent, « Nous allons avoir une mauvaise note. ». À quoi je leur réponds, « Pourquoi allez-vous échouer si votre expérimentation est ratée? Nous apprenons de nos erreurs. Il n’y a pas de mal à ce que notre expérimentation ne fonctionne pas si nous tirons une leçon de cette expérience. » Une fois, j’ai entendu un élève dire, « Wow! On a fait tellement d’erreurs dans ce devoir. On a tellement appris! » L’apprentissage se fait tant et aussi longtemps que les élèves se sentent en sécurité.
À titre d’enseignant.e.s, nous nous sommes engagés à renforcer la confiance des élèves et à assurer leur succès. Nous consacrons des heures et des efforts à préparer notre travail auprès des élèves dans la salle de classe et à l’extérieur de celle-ci afin d'atteindre cet objectif. Nous pouvons parfois avoir l’impression de courir tout droit à l’échec en permettant aux élèves d’avoir un contrôle et en les laissant diriger leur propre apprentissage ou les initiatives parascolaires.
En effet, l’échec peut très bien s’avérer le résultat lorsque les élèves (ou les adultes) prennent toutes les décisions et font toute la planification. Peut-être qu’à long terme l’échec n’est pas en lui-même le désastre anticipé.
Lorsque nous laissons les élèves assumer la responsabilité de leur apprentissage, de leurs intérêts et de leurs choix, nous leur permettons de prendre le risque d’échouer. Si les jeunes réussissent, elles et ils auront bien sûr un regain de confiance et leur apprentissage sera palpable. En revanche, l’échec se révèle un terrain fertile pour l’apprentissage et nous ne pourrions être mieux placés pour les aider.
Nous pouvons penser à notre école comme étant une sorte de laboratoire, un endroit sécuritaire où les élèves peuvent prendre des risques et explorer les occasions de faire preuve de leadership, un endroit où le risque d’avoir des conséquences négatives est peu élevé. Cela libère les jeunes qui veulent essayer de nouvelles choses et faire un saut dans l’inconnu, car elles et ils savent que les avantages l’emporteront largement sur les risques.
Du même coup, cela peut aussi libérer les enseignant.e.s, en ce sens qu’elles et ils se permettent de prendre un peu plus de risques (lorsque les risques ne contreviennent pas aux politiques et ne compromettent la sécurité des élèves). Les enseignant.e.s peuvent décider de partager leurs responsabilités avec leurs élèves. Lorsque nous nous rendons compte que nous pouvons influencer une situation, en nous rapprochant ou nous éloignant d’une occasion d’apprentissage potentielle qui comporte certains risques, nous pouvons choisir le chemin de l’autonomisation en dialoguant avec nos élèves par les moyens suivants :
- Évaluer une situation à risque en en discutant : lorsque les élèves viennent nous voir pour proposer un projet ou une activité qui semble comporter des « risques », nous pouvons être tentés de les décourager. Nous devrions plutôt avoir recours à une approche de résolution de problèmes pour les encourager à se servir de leur créativité en faisant un remue-méninges pour trouver des options possibles et pour peser le pour et le contre. Ensuite, les élèves seront en mesure de prendre une décision éclairée et d’assumer la responsabilité des risques potentiels qu’elles et ils décident de prendre
- Mettre l’accent sur le processus plutôt que sur le produit : très souvent, en tant qu’enseignant.e.s, nous nous investissons cœur et âme dans les projets de nos élèves pour assurer leur succès. En mettant l’accent sur les résultats plutôt que sur le rôle des élèves pour atteindre les résultats voulus, nous risquons de perdre une chance d’apprentissage, de leadership et d’autonomisation multidimensionnels. Lorsque nous aidons les élèves à organiser une activité, à réaliser un projet ou à mettre en œuvre une activité, nous pouvons essayer de délaisser notre propre besoin de succès, en donnant la responsabilité à nos élèves. Nous pouvons axer notre énergie sur notre rôle de facilitatrices ou de facilitateurs et encourager nos élèves en nous assurant qu’elles et ils ont toute l’information et les ressources nécessaires pour aller de l’avant.
- Diversifier le leadership : idéalement, les élèves ont un mot à dire lorsqu’elles et ils choisissent un leader. En réalité, ce sont souvent les adultes qui prennent la décision de nommer les élèves qui auront la possibilité de parfaire leurs compétences en leadership; par exemple, choisir les jeunes qui participeront à une formation ou à un camp de leadership, ou assumeront d’autres rôles de leadership à l’école. Dans notre vie quotidienne, nous prenons une série de décisions, petites et grandes, en lien avec le leadership des élèves par la façon dont nous déléguons les responsabilités. Lorsque nous sommes dans une position d’influencer les décisions concernant le leadership étudiant, nous pouvons réfléchir à notre tendance de graviter vers certains élèves et d’en éviter d’autres. Est-ce qu’il y a des élèves dans la classe dont les qualités et le potentiel de leadership sont moins évidents? Est-ce qu’il y a des élèves dans la classe qui ont des difficultés ou qui font partie d’un groupe marginalisé qui pourraient bénéficier d’une occasion de développer ces compétences? Rappelons-nous que nous pouvons être des adultes alliés en soutenant le développement des qualités de leadership des élèves qui ne semblent pas avoir les caractéristiques des « leaders typiques », traditionnellement perçues comme étant les personnes « les plus susceptibles de réussir ».
Le leadership n’est pas l’affaire de quelques élèves seulement. Dans nos écoles, chaque élève devrait avoir la possibilité de participer et de faire preuve de leadership…
- recadrer l’échec : lorsque qu’inévitablement des élèves font des erreurs ou échouent, nous pouvons les aider en recadrant l’expérience, en leur demandant de continuer à assumer leurs responsabilités (avec empathie et sans porter de jugement) si elles ou ils essaient de s’en soustraire et en les soutenant dans l’analyse de leurs erreurs et des leçons qu’elles et ils en tirent. Nous pouvons faire attention au vocabulaire que nous choisissons en nous assurant de privilégier des phrases et des mots positifs, optimistes et qui ne comportent aucun jugement, encadrant l’expérience comme une occasion d’apprentissage. Nous pouvons aussi donner l’exemple en réagissant de façon positive quand nous faisons des erreurs.
Pour assumer pleinement leur pouvoir personnel et collectif et pour augmenter leur pouvoir d’action, les jeunes nécessitent tout un éventail de compétences, d’informations et de ressources. Qui plus est, les jeunes ont également besoin d’optimisme, de persévérance et d’un sens de la responsabilité alimentés par la foi en leurs propres capacités et leur potentiel d’apprentissage et d’accomplissements.
En tant qu’adultes, nous sommes en mesure d’utiliser notre influence en partageant notre pouvoir tout en créant un milieu sécuritaire, en offrant notre soutien et en facilitant les occasions de leadership, d’accomplissement et d’autonomisation des élèves. Le tout commence par notre conviction sincère et inébranlable dans la sagesse et la capacité des jeunes d’agir et d’apporter un changement positif.
- Qu’est-ce que je fais en ce moment pour remplir mon rôle d’allié.e et de facilitatrice ou facilitateur de l’autonomisation des jeunes?
- Comment pourrais-je élargir mon rôle à cet égard?
- À mon école ou dans ma salle de classe, est-ce que des choix sont faits actuellement au nom des élèves alors que ces derniers pourraient prendre leurs propres décisions?
- Comment puis-je accorder la même priorité au processus qu’aux résultats finaux?